Avec son programme «Core Part» le guitariste Oleg Dergilev attire votre attention sur les œuvres choisis pour la guitare du célèbre compositeur mexicain Manuel Maria Ponce.
Programme
Manuel Maria Ponce (1882 – 1948)
- “24 Préludes” (1920s)
- Suite en la Mineur (1929)
Preludio – Allemande – Sarabande – Gavotte – Gigue - Sonata III (1927)
Allegro moderato – Chanson – Allegro non troppo - Variations sur “Folia de España” et Fugue (1929)
Manuel Maria Ponce Cuellar est né le 8 Décembre 1882 dans une petite ville minière Fresnillo. Il est devenu figure de proue de tous les guitaristes de sorte que ses compositions pour la guitare sont indispensables dans chaque répertoire pour cet instrument. Cependant Ponce n’étais pas guitariste pour autant. Mais chaque chose à son temps.
Manuel est le douzième enfant dans sa famille. Ses parents ne sont pas musiciens et sa mère décide de faire prendre des cours particuliers de piano à certains de ses enfants. Le talent musical de Manuel saute aux yeux tout de suite. Pendant son adolescence il joue de l’orgue dans l’église d’Aguascalientes, la grande ville la plus proche, et compose ses premières œuvres pour les instruments à touches. En 1900 à l’âge de 18 ans le jeune compositeur déménage à Mexico où il entre au Conservatoire National pour étudier le piano. C’est là qu’il compose ses premières œuvres pour le piano. Il s’agit de l’Étude de Concert №3 et de ses premières œuvres pour les instruments à cordes dont le plus connu s’appelle «Andante pour le Quatuor».
Quatre ans plus tard Ponce fait sa première visite en Europe. Il suit le conseil de son prof d’harmonie musicale et va au lycée musical de Bologne où il fait connaissance avec le directeur de ce lycée, Marco Enrico Bossi, un organiste et compositeur de talent. C’est là qu’il acquiert les connaissances fondamentales dans le domaine de l’harmonie, contrepoint et orchestration. La chance lui sourit quand il se retrouve à Berlin chez Martin Fischer pour prendre des cours de piano. Mais à cause de sa situation financière il doit rentrer dans son pays. Ce court séjour dans l’Ancien Monde ne manque pas de porter ses fruits à travers ses acquis précieux dans l’art de la composition et du jeu au piano.
Pendant la même période ce jeune compositeur voit sa renommée grandir dans les pays de l’Amérique Latine. À l’âge de 25 ans il remplace Ricardo Castro au poste du directeur du Conservatoire National et il y enseigne le piano et l’histoire de la musique. En 1915 il part pour la Havane accompagné du violoniste Pedro Valdez Fraga et du poète Luis Gonzaga Urbina. C’est à ce moment que le compositeur a un coup de cœur pour la musique cubaine qui le pousse à composer la «Suite Cubana» (1915), «Elegia de la Ausencia» (1915) et encore trois Rapsodies Cubaines raffinées pour le piano. De 1917 à 1925 le célèbre compositeur s’installe à Mexico où il continue à enseigner et dirige l’Orchestre Symphonique National (Orquestra Sinfónica Nacional) jouant les œuvres de Mendelssohn, Liszt, Grieg, Glazounov, Wagner, Schubert et Tchaïkovski.
Le postromantisme européen musical qui voit le jour au Mexique au début du XXème siècle devient l’un des facteurs clé dans la formation de Ponce pendant toute sa vie. Une autre facette de son œuvre est son intérêt à la musique folklore. Non seulement cela l’aide à devenir un des pionniers du mouvement national au Mexique mais cela contribue aussi à la création d’un grand nombre d’œuvres qui s’inspirent du Cuba et d’Espagne.
Mais ce n’est pas le seul facteur qui influence Ponce comme compositeur. À l’âge de 42 ans Ponce choisit de donner un coup de neuf à ses acquis de la technique de composition. Il s’établit en Europe pour y passer huit années suivantes. En dehors de ses études à l’École Normale de Musique chez Paul Ducat à Paris qui est très impressionné du dévouement de Ponce à la musique, le compositeur est admis dans le cercle des plus grands compositeurs de l’époque. Ce sont Stravinski, Debussy, Ravel, Satie, Milhaud, Honegger, Schönberg, Berg, Hindemith, de Falla, Villa-Lobos, Varèse et d’autres qui demeuraient et créaient ce temps-là à Paris. L’œuvre de Ponce s’imprègne des tendances de néo-classicisme et d’impressionnisme. Le résultat est choquant: Son séjour dans la capitale de la France devient la période la plus fructueuse de toute sa vie. Ça se rapporte surtout à la musique pour la guitare. Nous allons vous expliquer pourquoi.
En 1923 Ponce fait connaissance d’un guitariste espagnol légendaire; Andres Segovia qui donne un nouveau coup de souffle à son inspiration artistique. Les deux musiciens se lient d’amitié et personne ne se doute à quel point cette rencontre serait importante et quelles en seront les conséquences pour là la littérature pour la guitare. Dans ses lettres Segovia ne cesse d’évoquer son respect et son enthousiasme pour le talent de Ponce. Pour lui, il n’y a aucun doute sur l’importance exceptionnelle de ce compositeur:
“Grâce à lui […] la guitare a été sauvée de la musique écrite pour elle seulement par les guitaristes”.
En même temps Segovia reste le musicien le plus connu parmi ceux qui jouent la musique pour la guitare de Ponce. Cette nuance les fait non seulement des amis, mais aussi des collègues, des coauteurs. Inspiré par leur travail collectif et étant sous influence de l’insistance de Segovia Ponce écrit un nombre impressionnant d’œuvres pour la guitare.
Certaines d’elles qui sont créées suivant la demande de Segovia, pastichent un large nombre de styles dès le baroque jusqu’à son époque. En participation avec lui Ponce publie des pièces de la part des compositeurs plus anciens. Parmi elles sa Suite en la Mineur.
On ne sait pas pertinemment l’endroit et le moment où est apparue l’idée de styliser les pièces sous l’ancien temps. Comme l’art de stylisation est une partie intégrante de l’apprentissage de la composition, il est peut-être le passage fort de Ponce. Segovia répète à plusieurs reprises que le compositeur possède un talent remarquable pour la composition de la musique “dans un autre style”. Dans les années 20 Segovia a les relations amicales avec Fritz Kreisler. Ils ont le même impresario. Selon un historien Corazón Otero le guitariste demande à Ponce d’écrire la Suite en la Mineur pour faire une blague à Kreisler avec lequel il doit jouer le concert. Ayant peur que la suite sera attribuée à la paternité de Bach, Segovia persuade Ponce de recourir au nom de Weiss (Silvius Leopold Weiss, 1687 – 1750) comme pseudonyme. Tout de même le succès de la “Suite de Weiss” peut être expliqué par la connaissance limitée du répertoire baroque de l’audience plutôt que par l’habileté du pastiche. Malgré la maîtrise de l’utilisation des procédés baroques de l’impression musicale la main de Ponce devient révélée par l’emploi des procédés de stylisation, par son lyrisme romanesque, l’utilisation idiomatique et magistrale de la guitare et des tours harmoniques actuels.
Conformément à la forme de dance de l’époque baroque la suite comprend le prélude, l’allemend, la sarabande, la gavotte et la gigue. La courante qui suit d’habitude l’allemend est omise. Sans liaison thématique entre les parts l’homogénéité stylistique des procédés baroques et la séquence équilibrée des danses créent un total dynamique et accordé. La suite devient un des chef-d’œuvres les plus audacieux du répertoire pour la guitare du siècle ce qui correspond tellement à son origine prétentieuse. Segovia écrit à Ponce:
“Je veux te faire savoir le succès de Silvius Leopold Weiss. Je suis fasciné par le triomphe du vieux maître. Les critiques et les chercheurs les plus rechignés mettent dans leurs comptes-rendus un millier de détails pittoresques de sa vie. Sa similitude avec Bach est hautement appréciée. Prélude, Allemande et Sarabande sont les plus aimés. Je suis sûr que Kreisler qui a écrit le concert de Vivaldi te traitera avec de la sympathie”.
Comme résultat Weiss se montre un choix parfait pour le pastiche. Sa Suite en la-Mineur est publiée à plusieurs reprises sous son titre par de telles grandes maisons d’édition de musique comme “Edizioni Berben” et “Muzyka”. Malgré la chaleur dans les relations et le respect mutuel entre Ponce et Segovia, ce dernier peut souvent critiquer le compositeur et parfois édite trop ses pièces. Le temps est venu de vous présenter les “24 Préludes”.
Segovia est impressionné par le talent pour la composition pour la guitare de Ponce. Le compositeur lui dédie 24 préludes. Le nombre 24 correspond à la quantité totale de tonalités majeures et mineures. On peut dire sans hésitation aujourd’hui que les préludes avaient la forme tout-à-fait pour la guitare, mais Segovia déclare leur “inadmissibilité”. Selon lui certains préludes sont impossibles à exécuter. Il persuade Ponce de les diviser et les publier en quatre volumes par six, mais l’édition “Schott” ne publie que les deux premiers. Segovia transpose quelques préludes dans les tonalités plus pratiques pour les jouer et en 1952 il fait enregistrer les premiers six préludes dans l’ordre altéré. L’enregistrement des six suivants est fait par Laurindo Almeida en 1960. Un peu plus tard John Williams fait enregistrer tous les douze préludes. Donc, seulement la moitié de préludes écrits par Ponce apparaissent après un demi-siècle depuis leur création à cause de la coopération du compositeur avec Segovia. Au cours des années 60-70 du siècle précédent des guitaristes différents interprètent et perpétuent dans les enregistrements les mêmes douze préludes. Mais ensuite, grâce aux efforts d’un d’entre eux les douze qui restent voient le jour. C’est Miguel Alcázar qui trouve en 1981 dans les lettres de Ponce la mention de la quantité originale de préludes. Il arrive à trouver les onze préludes qui manquent. En plus il comble une lacune en adaptant une des pièces de Ponce très adroitement et enfin il publie et enregistre tous les préludes au complet. L’histoire de “24 Préludes” est celle qui montre comment une des perles du répertoire mondial de la guitare passe un long chemin vers sa reconnaissance bien méritée.
Variations et Fugue sur un thème de Folia. La musique de l’Espagne influence beaucoup le compositeur pendant son séjour à Paris. Peut-être que c’est le mérite du guitariste infatigable qui a un contact étroit avec Ponce. En 1928 il fait encore une demande d’écrire une œuvre en forme de variations:
“Je voudrais te demander d’écrire quelques variations brillantes sur un thème de folia espagnole. […] Si tu ne veux pas découvrir ta paternité on peut attribuer leur paternité à Giuliani, dont un grand nombre d’œuvres reste inconnu”.
Segovia suppose probablement qu’il obtiendra une sorte de pot-pourri de style du début du dix-neuvième siècle. Mais contrairement à ses attentes vers l’année 1929 Ponce compose une œuvre colossale qu’on peut comparer avec la chaconne renommée de la deuxième partita pour violon de Bach.
On peut retrouver les origines de folia sur la péninsule Hispanique, probablement au Portugal dans la deuxième moitié du XV-me siècle. Le romantique italien de la guitare Mauro Giuliani tout comme le classique Fernando Sor a eu de courtes variations sur un thème de folia parmi leurs œuvres. Mais ce qui est produit par Ponce prend vingt pages de la portée musicale: ce sont le thème, vingt variations et la fugue. Il est connu de la lettre de Ponce vers Segovia que cet opus avait avant le prélude de plus: “Je suis toujours animé par le désir d’expliquer pourquoi je n’ai pas présenté le Prélude, les Folias et la Fugue à Schott”; dans une autre lettre sur l’exécution dans l’Opéra de Paris en 1931: “J’ai l’intention d’y inclure les Variations sans Prélude mais avec la Fugue”. Et de nouveau Segovia dit que beaucoup d’entre elles sont “inadmissibles non seulement pour la guitare mais aussi pour l’œuvre en total”. Beaucoup plus tard, en 1979, une des variations qui n’étaient pas publiées sera intitulée “Postlude à Anders Segovia […]”. Mais à l’époque, à la fin des années vingt, après l’enregistrement le guitariste demande Ponce de réécrire le thème qui reçoit ensuite quelques harmonies chromatiques et non-conventionnelles en nouvelle rédaction. Comme résultat Segovia influence profondément la forme finale de cette œuvre après en avoir exclu le prélude, et changé le thème et la composition des variations.
Donc le style général des variations est la synthèse de l’interprétation néoclassique de la forme, le lyrique et l’expression néoromantique avec des harmonies néoromantiques et impressionnistes. Chacune d’entre elles résulte d’un grand nombre des combinaisons des lignes mélodiques, rythmiques et harmoniques du thème. D’une variation à l’autre on voit clairement la gradation du mouvement, de la quantité, du corps du matériel et de sa mélodique, ce qui donne à chacune le caractère singulier. Fugue, qui est un peu académique, représente une œuvre musicale accomplie et élaborée jusqu’au dernier détail. Avec son aide Ponce manifeste à l’auditoire sa maîtrise parfaite de tels instruments de l’expression musicale comme la tension dramatique et la structure de la forme.
Les Sonates forment aussi une partie importante de l’héritage du compositeur. Les premières qui viennent à l’esprit sont Sonata Classica, Sonata Romantica et Sonata III, bien que leur ordre évoque souvent quelques questions. Évidemment grâce à la chronologie des styles et à la séquence de leur publication Sonate III est prise pour la terminaison logique du triptyque: après avoir pastiché des styles classiques et romantiques Ponce doit s’adresser à la langue contemporaine. Mais la séquence de leur apparition diffère de cette version. La première œuvre considérable du compositeur à Paris est “Thème Varié et Finale”, écrit en 1926 et composé sur un thème original. Puis, en 1927, la Sonate III suit. Peut-être que la deuxième sonate ait été perdue pendant l’incendie dans la maison de Segovia à Barcelone. Une certaine sonate la-mineur a été mentionnée dans les lettres de Segovia vers Ponce. D’après Alcázar dans ses “Œuvres complètes pour la guitare de Manuel M. Ponce”, ces lettres sont datées de 1926, donc c’est plus tôt que la Sonate III est écrite et après que la Sonata Maxicana (Sonate I) est apparue. Sonata Classica et Sonata Romantica ne seront écrites qu’en 1928.
Dans sa Sonate III Ponce utilise tous les procédés de la composition qu’il voulait tant étudier. Elle se compose de trois parties en forme de sonate, de chanson ternaire et de rondo. Cela montre de façon spectaculaire comment le compositeur parvient à utiliser la langue harmonique moderne et le matériel contrapunctique qui étaient spécifiques à l’époque de l’Impressionisme en musique. Son style est moderne mais loin de l’avant-garde, ce qui résulte d’une longue évolution dont l’origine se compose des valeurs musicales traditionnelles et pas de l’évocation du passé comme par exemple dans la musique atonale de Schönberg. Le style musical de Ponce, étant pris dans la totalité, démontre, au contraire sa personnalité romantique, son lien avec les traditions nationales auxquelles il reste intimement lié toute sa vie.
En 1933 le compositeur revient au Mexique où il reste jusqu’à la fin de sa vie. Ses problèmes de santé ne l’empêchent pas de travailler fructueusement. Avec la composition il enseigne le piano, l’histoire de la musique, la pédagogie, l’esthétique, la musique populaire et même la gymnastique rythmique au Conservatoire Nationale où il devient chef de département du folklore musical vers l’année 1943. En plus Ponce a du succès d’être le témoin de beaucoup de premières de sa propre musique pour l’orchestre. Le 4 juillet 1947 un compositeur mexicain Carlos Chavez monte un festival consacré à l’œuvre de Ponce pendant lequel Andres Segovia donne la première de Concerto del Sur. La même année Ponce reçoit “Prix National pour les mérites dans l’Art et la Science” (“Premio National de Artes y Ciencias”), qui comprend un diplôme d’honneur et les honoraires de 20000 peso. Mais la santé du compositeur faiblit précipitamment et le 24 avril 1948 à l’âge de 66 ans il meurt d’une insuffisance rénale endémique.
Manuel Ponce a consacré toute sa vie à la musique. De plus il se met à la tête du mouvement national dans son pays natal Mexique dans l’histoire duquel il inscrit son nom pour toujours. Tous ceux qui le connaissaient lui prêtaient de tels traits de son caractère que la bonté exceptionnelle, la modestie, l’intelligence et le désir persistant de réaliser sa vocation. Pendant sa vie Ponce connaissait un grand nombre de personnes célèbres mais il n’avait que quelques amis proches. Grâce à l’un d’eux il offre le répertoire à la guitare, celui dont elle avait un tel grand besoin. Segovia écrit dans sa lettre vers la veuve de Ponce:
“Je pense qu’il ne faut pas te décrire la douleur que je porterai dans mon cœur jusqu’à la fin de mes jours; la douleur qui précède la voie de Manuel vers l’éternité. Pour moi Manuel était un Ami Parfait, un Maître et un Frère. Il est insupportable d’être privé de lui comme d’un appui de l’âme, comme d’un compagnon et d’un tuteur dans ce monde […]”.
Oleg Dergilev est né en 1986 à Leningrad et a obtenu ses premiers acquis musicaux et instrumentaux sous la direction de Aleksey Khorev (Алексей Алексеевич Хорев, 1951 – 2011). En 2003 Dergilev entre le Conservatoire d’État de Vienne (Universität für Musik und darstellende Kunst Wien) où il continue ses études de la guitare sous la direction du professeur Walter Würdinger et après 7 ans termine avec une mention excellente. Oleg Dergilev est lauréat de plus de 40 concours et festivals. À présent il se produit régulièrement dans l’Opéra d’État de Vienne et fait ses études au département d’ingénieurs du son au Conservatoire de Vienne.
Dergilev jouait en solo et se produisait comme membre des ensembles de chambre variés en Autriche, en Allemagne, en Italie, au Portugal, en Russie et en Ukraine.
Dans cette page des fragments du spectacle dans une église Christuskirche sont présentés, Vienne, 2011.